Un meilleur suivi
L’aboutissement du projet ROC était d’autant plus attendu que le tiers payant entre les établissements hospitaliers et les organismes complémentaires restait jusqu’alors un processus plutôt lourd à gérer. « Aujourd’hui, les fax et les documents manuscrits sont encore nombreux entre l’hôpital et notre secteur », explique Jean-François Tripodi, directeur général de Carte blanche partenaires. Il considère que ce dispositif digitalisé « va améliorer la productivité des gestionnaires et permettra un meilleur suivi des opérations » – comprendre, une meilleure lutte contre la fraude ou des abus, qui peuvent être significatifs sur ce poste de dépenses.
Concrètement, la mise en place du tiers payant dématérialisé à l’hôpital se fera de manière progressive dans les mois à venir : « La concrétisation du dispositif ROC se divise en deux volets : tout ce qui relève de la prise en charge des patients est prêt – nous sommes actuellement en recette – , tandis que tout ce qui relève du paiement, plus complexe, devrait être bouclé d’ici à la fin d’année », résume Jean-François Tripodi.
Un défi technique
Un chantier technique de grande ampleur qui a laissé quelques traces, même pour les gestionnaires : « Un premier cahier des charges avait été émis par la Direction générale de l’offre de soins (DGOS, ministère de la Santé) pour préparer cette réforme, ce qui a amené à faire un certain nombre de développements. Sauf qu’un nouveau cahier des charges a vu le jour durant l’été 2020 qui a rendu incomplets nos précédents travaux… », rappelle la directrice générale France de Cegedim Insurance Solutions, Catherine Abiven.
Et presque un an plus tard, tout est encore loin d’être réglé. « L’ensemble des éditeurs informatiques hospitaliers devrait être prêt dans les jours à venir pour la mise en place de ROC. Mais qu’en sera-t-il des organismes complémentaires, surtout au vu de leur architecture informatique ? », s’interroge Jean-François Tripodi. S’il a fait le choix, pour Carte blanche partenaires, de remettre à plat son système informatique dès 2015 pour être à même de gérer ces flux, tous les acteurs de la chaîne n’ont, en effet, pas la même maturité technique… À cet égard, Josette Guéniau, associée au cabinet JGSC, souligne que, « pour l’heure, dans le cadre du programme Simphonie, la DGOS a privilégié le projet Diapason (paiement du reste à charge par carte bancaire). Le risque concernant le déploiement de ROC est de considérer qu’il pourra se faire en même temps pour l’ensemble des Ocam ».
Outre les enjeux techniques, ROC soulève aussi une question sociale : que vont devenir les gestionnaires – chez les Ocam ou des agrégateurs – dans les années à venir ? « La question de la baisse des effectifs de gestion est un marronnier : les observateurs pensaient déjà que les Ocam seraient amenés à licencier lorsque Noemie a été généralisé… Mais il faut prendre en compte l’évolution des métiers, qui ont muté ces dernières années sur le digital et la relation client », veut croire Jean-François Tripodi.
À l’instar de ce qui se passe pour les autres postes de dépenses où le tiers payant est – plus ou moins – opérationnel, les Ocam et leurs partenaires espèrent y trouver un débouché de diversification : « ROC intéresse Carte blanche en tant qu’opérateur de tiers payant, mais aussi en tant que réseau : grâce à ces flux, nous allons pouvoir proposer des services aux assurés quasiment en temps réel », rappelle Jean-François Tripodi. « Aucun acteur n’est actuellement présent sur l’ensemble de la chaîne servicielle de valeur sur l’hôpital : il y a pléthore d’opérateurs compétents sur chacune des briques de cette chaîne, mais aucun à même de les agglomérer », tempère toutefois Josette Guéniau.
Le ROC, un projet de longue haleine
La généralisation du tiers payant au sein des hôpitaux (projet ROC) est, originellement, une composante du programme Simphonie (Simplification du parcours administratif hospitalier et numérisation des informations échangées) initié en 2014. Ce programme cherche à accompagner les établissements de santé dans la sécurisation de leurs recettes et la réduction des charges administratives. Si le déploiement de ROC était prévu pour 2018, il a connu un certain nombre de retards qui ont décalé son entrée en application ; elle sera donc progressive sur l’ensemble du second semestre 2021 au sein des établissements publics.
Incitation à valoriser les services
De son côté, Gilles Girard élargit ce sujet des services pré- et / ou post-hospitalisation à celui, plus général, du modèle économique des services en santé. « Les organismes complémentaires devraient rester des payeurs aveugles avec cette réforme du ROC. Mais s’ils ne veulent pas être encore plus invisibles auprès des assurés, ils vont devoir faire évoluer leur propre modèle : les services qu’ils sont à même de proposer ne font actuellement pas l’objet d’une quelconque facturation. Par conséquent, les Ocam ne parviennent guère à les valoriser, car ils sont souvent inclus gratuitement dans les contrats », note-t-il. Le directeur de Thémis Conseil ajoute que « la mise en place du tiers payant puis des réseaux de soins s’est accompagnée d’un phénomène de labellisation de professionnels de santé. Il n’y a pas de raison que l’hôpital y échappe. Pour éviter qu’il ne reste que des payeurs aveugles, les assureurs complémentaires ont ainsi tout intérêt à négocier des tarifs sur les chambres particulières. »
La DGFip, garante de la réforme
Par conséquent, si le projet ROC doit devenir réalité d’ici au début juillet, la concrétisation de ce chantier reste un travail au long cours qui n’échappera probablement pas à certains imprévus. Mais Jean-François Tripodi veut voir le verre à moitié plein : « Au cœur du dispositif ROC figure tout de même la DGFip (Direction générale des finances publiques), qui centralisera les flux financiers : c’est l’une des instances publiques les plus avancées sur les questions de digitalisation. Je suis donc raisonnablement optimiste sur la réussite de cette réforme. »
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